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Blanchiment douanier : « transit » et présomption

Affaires - Pénal des affaires
11/01/2021
Relatifs au blanchiment douanier, l’article 415 du Code des douanes concerne le transfert de ces fonds entre l’étranger et la France, peu important que les sommes importées soient destinées à être exportées vers un autre pays, et l’article 415 du même code ne permet pas la relaxe d’un prévenu au motif que la présomption qu’il instaure serait irréfragable, selon un arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2020.
Procédant au contrôle d’un véhicule utilitaire immatriculé aux Pays-Bas, les agents des douanes ont interrogé son conducteur sur une éventuelle détention de marchandise à déclarer. Celui-ci a répondu par la négative, mais la fouille du véhicule a permis la découverte de plusieurs liasses de billets représentant une somme totale de 97 195 euros, dissimulées dans un sac de voyage, marqué par le chien dressé à la détection des stupéfiants. Le conducteur est d’abord condamné par le tribunal correctionnel notamment du chef de blanchiment douanier (au sens des articles 415 et 415-1 du Code des douanes) pour avoir réalisé une opération financière entre la France et l'étranger sur des fonds provenant d'infractions à la législation sur les stupéfiants. Il est par la suite relaxé par la cour d’appel et un pourvoi suit qui s’articule autour de deux arguments principaux.
 
Article 415 : les fonds en transit aussi !
 
L’article 415 du Code des douanes punit « ceux qui auront, par exportation, importation, transfert ou compensation, procédé ou tenté de procéder à une opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds qu'ils savaient provenir, directement ou indirectement, d'un délit prévu au présent code ou portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne, ou d'une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants ».
 
Parce que l’article 415 vise une exportation, une importation, un transfert, la cour d’appel relaxe le prévenu au motif que l’opération de transport n'implique la France que comme lieu de transit s’agissant de de fonds transportés des Pays-Bas jusqu'en Espagne.
 
Pour la Cour de cassation en revanche, le transfert de ces fonds entre l’étranger et la France suffit à caractériser l’existence d’une opération financière susceptible de constituer le délit de blanchiment douanier de l’article 415, même si les sommes importées sont destinées à être exportées vers un autre pays.
 
Article 415-1 : pas de présomption irréfragable
 
L'article 415-1 du Code des douanes complète l’article 415 précité en précisant que, pour son application, « les fonds sont présumés être le produit direct ou indirect d'un délit prévu au présent code ou portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne ou d'une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants lorsque les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération d'exportation, d'importation, de transfert ou de compensation ne paraissent obéir à d'autre motif que de dissimuler que les fonds ont une telle origine ».
 
Pour la cour d’appel, la présomption de l’article 415-1 ne peut être mise en œuvre à l’encontre d’un « simple transporteur » (ici un particulier) qui ignore l’origine des fonds et leur destination finale, même s’il avait conscience d’accomplir une action douteuse. Cette cour se fonde sur le fait qu’il ne peut d'aucune manière rapporter la preuve contraire puiqu’il ne dispose d'aucune information relevant de la traçabilité des fonds, ce qui reviendrait à rendre à son égard la présomption irréfragable (or, une telle présomption, contre laquelle aucune preuve contraire ne peut être rapportée, est contraire aux exigences constitutionnelles et conventionnelles applicables aux présomptions en matière répressive).
 
Au contraire, pour la Cour de cassation, les juges du fond, à qui il appartenait de rechercher si les conditions matérielles du transfert des sommes en possession desquelles le prévenu a été trouvé ne pouvaient avoir d’autre justification que de dissimuler leur origine illicite et permettaient donc de présumer que ces fonds étaient le produit direct ou indirect d’une infraction ici à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants, ne pouvaient écarter l’application de cette présomption au seul motif qu’en l’espèce le prévenu n’était pas en mesure de rapporter la preuve de l’origine des fonds qu’il transportait
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 1015-14. La décision ici rapportée est intégrée à ce numéro dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
Plus d'information également dans le Lamy droit pénal des affaires, n° 4406 et s.
 
Source : Actualités du droit