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Exonération ZFU : la modification de la méthode de détermination du bénéfice exonéré ne porte pas atteinte au principe d’espérance légitime

Civil - Fiscalité des particuliers
Affaires - Fiscalité des entreprises
03/11/2023
La modification de la méthode de détermination du montant du bénéfice exonéré pour les contribuables exerçant leur activité à la fois dans une ZFU et en dehors, intervenue en 2013, ne porte pas atteinte à l’espérance légitime de ces derniers de bénéficier de l’exonération d’impôt selon les anciennes modalités, précise le Conseil d’État dans un arrêt du 18 septembre 2023.
Pour mémoire, afin d’inciter les entreprises à créer ou exercer des activités dans des zones franches urbaines (ZFU), le législateur a, par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, institué à l’article 44 octies A du CGI une exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant de ces activités, totale pendant une première période de cinq années, puis partielle et dégressive pendant une seconde période de neuf années.

Par la loi de finances rectificative pour 2013, le législateur a modifié la méthode de détermination du montant du bénéfice exonéré lorsque le contribuable exerce ses activités à la fois dans une ZFU et en dehors. Il convient ainsi pour son calcul de se fonder, non plus sur le prorata des bases de cotisation foncière des entreprises afférentes à l'activité exercée dans la ZFU, mais sur le prorata de chiffre d'affaires ou de recettes réalisé dans cette ZFU (CGI, art. 44 octies, al. 6). Ce nouveau dispositif a été rendu applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2013.

Enfin, l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ConvEDH) dispose « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts ». Pour prétendre au bénéfice de ces dispositions, une personne doit faire état de la propriété d’un bien à laquelle il aurait été porté atteinte. Ce bien peut, à défaut de créance certaine, correspondre à une espérance légitime d'obtenir une somme d'argent.

En l’espèce, une société civile professionnelle (SCP) exerce simultanément une activité médicale d’urologie à l’intérieur d’une ZFU et à l’extérieur de celle-ci. À la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos au cours des années 2013 à 2015, l'administration a partiellement remis en cause le bénéfice du régime d'exonération d'impôt sur les bénéfices prévu par les dispositions de l'article 44 octies A du CGI et a assujetti les contribuables à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu découlant de la réintégration de leur quote-part dans les bénéfices réalisés par la SCP dans les établissements situés à l’extérieur de la ZFU.

Le tribunal administratif de Toulon ainsi que la cour administrative d’appel de Marseille ont fait droit à la demande des associés tendant à la décharge des impositions supplémentaires.

La cour administrative d’appel a en effet jugé qu’en modifiant le dispositif prévu à l'article 44 octies A du CGI par la loi du 29 décembre 2013, le législateur avait porté atteinte à « une espérance légitime » qui devait être regardée comme un bien au sens des dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la ConvEDH. Pour ce faire, elle s’est fondé sur ce que « l’avantage fiscal consenti par le législateur en contrepartie de l'implantation d'une activité dans une ZFU était garanti pour une période de temps limitée et non sans limite de durée ».

Or, selon le ministre de l’Économie, la modification législative intervenue en 2013 avait eu pour objet de recentrer l'exonération prévue à l'article 44 octies A du CGI sur les contribuables qui « créent ou exercent effectivement des activités dans les zones franches urbaines, afin qu'elle porte sur la part du chiffre d'affaires ou des recettes réalisée par les contribuables dans ces seules zones ». Il précise que cette modification législative s’était bornée à rationaliser les modalités de calcul de la part de chiffre d’affaires ou de recettes réalisées dans la ZFU selon des critères plus conformes à l'objectif poursuivi par le législateur. La modification ne portait donc qu’une « atteinte limitée » à l’espérance légitime des contribuables de bénéficier de l’exonération.

Dans un arrêt du 18 septembre 2023, le Conseil d’État précise que pour déterminer l’atteinte à une espérance légitime il convient de tenir compte de « la nature de l'engagement attendu du contribuable en contrepartie de l'incitation, de la durée pour laquelle celle-ci était prévue et de la portée de la modification qui lui a été apportée ».
Par suite, en ne se fondant que sur ce que l’avantage fiscal était garanti pour une période de temps limitée, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

Il ajoute par ailleurs que la cour a insuffisamment motivé son arrêt « en se bornant à relever, pour écarter l'existence d'un motif d'intérêt général de nature à justifier la modification du régime fiscal en cause sans qu'il soit porté une atteinte excessive aux droits des contribuables, que le coût élevé d'un régime fiscal ne pouvait constituer, par lui-même, un tel motif d'intérêt général ».

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État précise que la loi du 29 décembre 2023 a corrigé l'inadéquation qui existait entre, d’une part, le critère de détermination de la fraction de bénéfice qui est exonérée d’impôt lorsqu’un contribuable n’exerce pas l’ensemble de son activité dans une ZFU - cela produisait en effet « des effets d'aubaine » pour les contribuables qui exerçaient la majorité de leur activité en dehors d’une ZFU mais qui pouvaient bénéficier du dispositif d’exonération d’impôt - et, d’autre part, l’objectif même de ce dispositif qui est de favoriser l’installation et l’exercice effectif d’activités économiques et la création d’emplois au sein d’une ZFU.

Il relève qu’en l’espèce la société exerçait essentiellement ses activités en dehors de la ZFU, dans des locaux de cliniques qui ne constituaient pas, pour les contribuables, des éléments de leur imposition à la CFE.

Par suite, au regard de la portée de la modification en cause, à ce que la contrepartie que pouvaient attendre les contribuables était une localisation effective des activités dans la ZFU et une durée totale de quatorze années pendant laquelle l'exonération était, totalement ou partiellement, garantie en contrepartie de cette localisation, les contribuables ne peuvent se prévaloir d'une espérance légitime d'en bénéficier au titre des revenus de la SCP selon les modalités en vigueur avant l'intervention du législateur.

Selon le Conseil d’État, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour décharger les contribuables des impositions supplémentaires en litige, sur ce que le législateur avait méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convEDH.

En conséquence, l’arrêt de la cour administrative d’appel ainsi que le jugement du tribunal administratif sont annulés et les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles les contribuables ont été assujettis sont remises à leur charge.
Source : Actualités du droit