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Détenus et détenues doivent être soumis au même régime carcéral pour un même crime, juge la CEDH

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
25/01/2019
Le 10 janvier 2019, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que l’application d’un régime carcéral différent aux détenus hommes et femmes pour un crime identique est discriminatoire au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH).
Le requérant est un détenu letton condamné à une peine de vingt ans d’emprisonnement pour enlèvement, meurtre aggravé et extorsion. Dès 2008, il s’était plaint devant les autorités nationales d’une discrimination lésant les détenus de sexe masculin face à celles de sexe féminin. En effet, il arguait que, bien que condamnés pour des crimes identiques et soumis à des peines d’emprisonnement de même durée, les hommes et les femmes étaient traités différemment s’agissant de l’exécution de leur peine. Il avançait notamment le fait que les femmes étaient d’emblée placées dans des établissements partiellement fermés plutôt que dans des prisons fermées, ce qui leur permettait, selon lui, d’obtenir plus rapidement certains privilèges, comme des autorisations de sortie.

Sa plainte ayant été rejetée par le ministère de la Justice, le détenu avait exercé plusieurs recours devant la cour constitutionnelle lettone pour discrimination alléguée contre les détenus masculins. L’un de ses recours portait notamment sur un refus d’autorisation de sortie sollicitée afin d’assister aux funérailles de son père, alors que, selon lui, une détenue se trouvant dans la même situation que lui y aurait été autorisée, en raison de son régime de détention plus favorable.

La question était donc de savoir si l’application d’un régime pénitentiaire différent, en raison de leur sexe, à des détenus ayant commis le même type de crime et purgeant la même peine, constitue une discrimination injustifiée emportant violation des droits fondamentaux des détenus, tels que garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH).

Discrimination injustifiée

Premièrement, sur le fait que les personnes faisant état de discrimination doivent être placées dans une situation comparable ou analogue, la cour juge que cette condition est remplie en l’espèce, puisque l’affaire portait sur l’application des régimes carcéraux et son impact sur la vie familiale de détenus, hommes et femmes, qui avaient été condamnés pour des crimes de même gravité.

Deuxièmement, si les différences de traitement ne sont pas interdites, elles doivent cependant obéir à un but légitime et être mises en œuvre par des moyens proportionnés à ce but. La justification apportée par le gouvernement letton était que les détenues avaient des besoins qui leur étaient propres, notamment en matière de maternité. La cour accueille cet argument, mais rappelle que les mesures doivent tout de même être proportionnées.

Troisièmement, la cour note que l’interdiction d’assister aux funérailles de son père a été opposée au détenu du simple fait qu’il était emprisonné dans le cadre d’un régime sécuritaire de niveau intermédiaire d’un établissement fermé. La cour retient, conformément aux allégations du requérant, qu’une femme condamnée pour des crimes identiques aurait automatiquement été affectée à une prison partiellement fermée et, si elle avait été placée dans la même situation que le requérant, aurait été en droit de se voir accorder une autorisation de sortie.

En définitive, la cour juge qu’une interdiction générale de sortie imposée aux détenus masculins, y compris pour assister à des funérailles, ne permet pas de répondre plus facilement aux besoins particuliers des femmes détenues. Le refus d’examiner la demande d’autorisation de sortie du détenu sur le seul fondement d’un régime carcéral déterminé par le sexe de celui-ci ne répondait à aucune justification objective et raisonnable. La cour conclut donc à une discrimination injustifiée caractérisant une violation des droits du requérant garantis par les articles 14 (interdiction de discrimination) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la CESDH.
Source : Actualités du droit