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Régime disciplinaire des personnes détenues : les nouvelles modifications réglementaires

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
27/02/2019
Le décret du 13 février 2019 modifie les catégories de fautes disciplinaires, crée une nouvelle sanction disciplinaire pour les majeurs et élargit le champ d’application de plusieurs sanctions existantes. Le point sur ces changements, qui entreront en vigueur le 15 mars 2019.

I. Définitions et catégories des fautes disciplinaires


Le décret du 13 février 2019 modifie et complète les définitions et catégories des fautes disciplinaires :
  • création de nouvelles fautes disciplinaires du premier degré (rébellion ; provocation et apologie du terrorisme ; captation, enregistrement et diffusion de sons et d’images au sein d’un établissement pénitentiaire ; accès à des zones interdites) ;
  • élévation de plusieurs fautes du second au premier degré ;
  • élévation de plusieurs fautes du troisième au second degré.
Faute disciplinaire du premier degré. — L’article 2 du décret du 13 février 2019 procède à une réécriture, avec plusieurs ajouts, de l’article R. 57-7-1 du Code de procédure pénale, qui définit la liste des faits constitutifs d’une faute disciplinaire du premier degré. Relève de cette catégorie, le fait, pour une personne détenue :
  1. d’exercer ou de tenter d’exercer des violences physiques à l’encontre d’un membre du personnel ou d’une personne en mission ou en visite dans l’établissement ;
  2. le fait d’exercer ou tenter d’exercer des violences physiques à l’encontre d’une personne détenue ;
  3. (ajout) d’opposer une résistance violente aux injonctions des personnels (rébellion) ;
  4. (mod.) d’obtenir ou de tenter d’obtenir par violence, intimidation ou contrainte la remise d’un bien, la réalisation d’un acte, un engagement, une renonciation ou un avantage quelconque (extorsion) ;
  5. de commettre intentionnellement des actes de nature à mettre en danger la sécurité d’autrui ;
  6. (ajout) de provoquer par des propos ou des actes à la commission d’actes de terrorisme ou d’en faire l’apologie ;
  7. (anc. 3°, mod. ; anc. art. R. 57-7-2, 7°) de participer ou de tenter de participer à toute action collective de nature à compromettre la sécurité des établissements ou à en perturber l’ordre (mutinerie) ;
  8. (anc. 6°) le fait de participer à une évasion ou à une tentative d’évasion ;
  9. (anc. 10°, mod.) de causer ou de tenter de causer délibérément aux locaux ou au matériel affecté à l’établissement un dommage de nature à compromettre la sécurité, l’ordre ou le fonctionnement normal de celui-ci ;
  10. (anc. 7°, mod.) d’introduire ou tenter d’introduire au sein de l’établissement tous objets, données stockées sur un support quelconque ou substances de nature à compromettre la sécurité des personnes ou de l’établissement, de les détenir ou d’en faire l’échange contre tout bien, produit ou service ;
  11. (anc. 8° et 9°, réunis) d’introduire ou tenter d’introduire au sein de l’établissement des produits stupéfiants, ou sans autorisation médicale, des produits de substitution aux stupéfiants ou des substances psychotropes, de les détenir ou d’en faire l’échange contre tout bien, produit ou service ;
  12. (ajout ; anc. art. R. 57-7-2, 1°) de proférer des insultes, des menaces ou des propos outrageants à l’encontre d’un membre du personnel de l’établissement, d’une personne en mission ou en visite au sein de l’établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires ;
  13. (ajout ; anc. art. R. 57-7-2, 8° ) de proférer des insultes ou des menaces à l’encontre d’une personne détenue ;
  14. (ajout) de franchir ou tenter de franchir les grillages, barrières, murs d’enceinte et tous autres dispositifs anti- franchissement de l’établissement, d’accéder ou tenter d’accéder aux façades et aux toits de l’établissement ainsi qu’aux chemins de ronde, aux zones neutres et aux zones interdites visées par le règlement intérieur ou instruction particulière arrêtée par le chef d’établissement ;
  15. (ajout) de capter, fixer ou enregistrer ou tenter de capter, fixer ou enregistrer, par quelque moyen que ce soit, des images ou des sons dans un établissement ou de diffuser ou tenter de diffuser, par quelque moyen que ce soit, des images fixées ou des sons captés dans un établissement, ou de participer à ces captation, fixation, enregistrement ou diffusion ;
  16. (anc. 11°) d’inciter une personne détenue à commettre l’un des manquements énumérés par le présent article ou de lui prêter assistance à cette fin.
 
Faute disciplinaire du deuxième degré. — L’article 3 du décret du 13 février 2019 procède à une réécriture, avec plusieurs ajouts, de l’article R. 57-7-2 du Code de procédure pénale, qui définit la liste des faits constitutifs d’une faute disciplinaire du deuxième degré. Relève de cette catégorie, le fait, pour une personne détenue :
  1. (anc. 5° et anc. art. R. 57-7-3, 3°) de refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l’établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ou refuser d’obtempérer immédiatement aux injonctions du personnel de l’établissement ;
  2. (anc. 4°) d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un membre du personnel de l’établissement ou d’une personne en mission au sein de l’établissement un avantage quelconque par des offres, des promesses, des dons ou des présents ;
  3. (anc. 2°) de mettre en danger la sécurité d’autrui par une imprudence ou une négligence ;
  4. (anc. 3°) d’imposer à la vue d’autrui des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur ;
  5. (anc. art. R. 57-7-3, 1°, mod.) de formuler des propos outrageants ou des menaces dans les lettres adressées aux autorités administratives et judiciaires ;
  6. (anc. 1° et anc. art. R. 57-7-3, 2°) de formuler dans les lettres adressées à des tiers des menaces, des injures ou des propos outrageants à l’encontre de toute personne ayant mission dans l’établissement ou à l’encontre des autorités administratives et judiciaires, ou de formuler dans ces lettres des menaces contre la sécurité des personnes ou de l’établissement ;
  7. (anc. 6°) de se soustraire à une sanction disciplinaire prononcée à son encontre ;
  8. (anc. 9 et 10°, réunis) d’enfreindre ou tenter d’enfreindre les dispositions législatives ou règlementaires, le règlement intérieur de l’établissement ou toute autre instruction de service applicables en matière d’introduction, de détention, de circulation, ou de sortie de sommes d’argent, correspondance, objets ou substances quelconques, hors les cas prévus aux 10° et 11° de l’article R. 57-7-1 ;
  9. (anc. 11°, mod. pour coord.) de causer délibérément un dommage aux locaux ou au matériel affecté à l’établissement, hors le cas prévu au 9° de l’article R. 57-7-1 ;
  10. (anc. 12°) de causer délibérément un dommage à la propriété d’autrui ;
  11. (anc. 13°) de commettre ou tenter de commettre un vol ou toute autre atteinte frauduleuse à la propriété d’autrui ;
  12. (anc. 14°) de consommer des produits stupéfiants ;
  13. (anc. 15°) de consommer, sans autorisation médicale, des produits de substitution aux stupéfiants, des psychotropes ou des substances de nature à troubler le comportement ;
  14. (anc. 16°) de se trouver en état d’ébriété ;
  15. (anc. 17°) de provoquer un tapage de nature à troubler l’ordre de l’établissement ;
  16. (anc. 18°) d’inciter une personne détenue à commettre l’un des manquements énumérés au présent article ou de lui prêter assistance à cette fin.
 
Faute disciplinaire du troisième degré. — L’article 4 du décret du 13 février 2019 procède à une réécriture, avec plusieurs ajouts, de l’article R. 57-7-3 du Code de procédure pénale, qui définit la liste des faits constitutifs d’une faute disciplinaire du troisième degré. Relève de cette catégorie, le fait, pour une personne détenue :
  1. (anc. 4°) de ne pas respecter les dispositions du règlement intérieur de l’établissement ou les instructions particulières arrêtées par le chef de l’établissement ;
  2. (anc. 5°) d’entraver ou tenter d’entraver les activités de travail, de formation, culturelles, cultuelles ou de loisirs ;
  3. (anc. 6°) de communiquer irrégulièrement avec une personne détenue ou avec toute autre personne extérieure à l’établissement ;
  4. (anc. 7, mod.) de négliger de préserver ou d’entretenir la propreté de sa cellule ou des locaux communs ou de prendre soin des objets mis à disposition par l’administration ;
  5. (anc. 8°) de jeter tout objet ou substance par les fenêtres de l’établissement ;
  6. (anc. 9°) de faire un usage abusif ou nuisible d’objets autorisés par le règlement intérieur ;
  7. (anc. 10°) de pratiquer des jeux interdits par le règlement intérieur ;
  8. (anc. 11°°) d’inciter une personne détenue à commettre l’un des manquements énumérés au présent article ou lui prêter assistance à cette fin.
 
Fautes commises à l’extérieur de l’établissement. — L’article R. 57-7-4 du Code de procédure pénale prévoit que les faits énumérés aux articles R. 57-7-1 à R. 57-7-3 constituent des fautes disciplinaires même lorsqu'ils sont commis à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire. Cette disposition demeure inchangée.
Certains autres faits peuvent également être retenus comme fautes disciplinaires, même s’ils sont commis à l’extérieur de l’établissement et quelle que soit la qualité de la personne visée ou du propriétaire des biens en cause. L’article 5 du décret du 13 février ne modifie pas substantiellement cette liste, mais procède à la coordonne les numérotations. L’article R. 57-7-4 visera ainsi désormais le :
  • 1° de l'article R. 57-7-1, c’est-à-dire les violences physiques (inchangé) ;
  • 9° de l'article R. 57-7-1, c’est-à-dire les dégradations volontaires dangereuses (anc. 10° de ce même texte) ;
  • 12° de l'article R. 57-7-1, c’est-à-dire les insultes, menaces et propos outrageants (anc. 1° de l’art. R. 57-7-2, 1°, modifié) ;
  • 9° de l'article R. 57-7-2 (inchangé), c’est-à-dire les dégradations volontaires non dangereuses (par opposition à celles visées au 10° de l’art. R. 57-7-1).
 

II. Sanctions disciplinaires


1) Sanctions encourues par les personnes détenues majeures


Travail d’intérêt collectif. — L’article 7 du décret du 13 février 2019 crée une sanction disciplinaire autonome, pouvant être encourue par les personnes détenues majeures, en insérant un nouvel alinéa 6 au sein de l’article R. 57-7-33 du Code de procédure pénale. Cette sanction consiste dans l’exécution d'un travail d'intérêt collectif de nettoyage, de remise en état ou d’entretien des cellules ou des locaux communs. La durée globale de cette sanction ne pourra pas excéder 40 heures et elle ne peut être prononcée qu'avec le consentement préalable de la personne détenue. Antérieurement, l’exécution d'un travail de nettoyage des locaux pour une durée globale maximale de quarante heures et avec le consentement de la personne détenue, pouvait uniquement être prononcée lorsque la faute disciplinaire était en relation avec un manquement aux règles de l'hygiène (C. pr. pén., art. R. 57-7-34, al. 5 (4°) et 6, abrogés par art. 8 du présent décret).

Déclassement d’un emploi ou d’une formation et suppression de l’accès au parloir sans dispositif de séparation. — L’article 8 du décret du 13 février 2019 modifie l’article R. 57-7-34 du Code de procédure pénale : les sanctions de déclassement d'un emploi ou d'une formation et la suppression de l'accès au parloir sans dispositif de séparation pour une période maximum de quatre mois pourront désormais être prononcées, quand bien même la faute n’aurait pas été commise, par la personne détenue majeures, au cours ou à l'occasion d’une activité ou d’une visite.

Durée du confinement en cellule ordinaire et du placement en cellule disciplinaire. — Les articles 12 et 14 du décret du 13 février 2019 modifient la durée des mesures de confinement en cellule ordinaire (C. pr. pén., art. R. 57-7-41) et de placement en cellule disciplinaire (C. pr. pén., art. R. 57-7-47). Jusqu’ici, le confinement et le placement pendant 30 jours (au lieu de 20 en principe) pouvait être décidée seulement lorsqu’il s’agissait de sanctionner des violences physiques ou tentative à l’encontre d’un personnel, d’un visiteur ou d’un autre détenu (C. pr. pén., art. R. 57-7-1, 1° et 2°). À l’avenir, seront aussi concernés, la rébellion (C. pr. pén., art. R. 57-7-1, 3°), ainsi que, s’ils sont commis avec des violences contre les personnes, les faits d’extorsion (C. pr. pén., art. R. 57-7-1, 4°, mod.) et de mutinerie (C. pr. pén., art. R. 57-7-1, 7°, mod.).
 

b) Sanctions encourues par les personnes détenues mineures


Plusieurs mesures disciplinaires peuvent désormais être décidées à l’encontre des mineurs et le champ d’application de plusieurs d’entre elles est modifié par l’article 10 du décret du 13 février 2019.

Confinement en cellule ordinaire. — Le confinement en cellule ordinaire peut être prononcé à l’encontre du mineur (C. pr. pén., art. R. 57-7-35), y compris à titre préventif pour les mineurs de 16 à 18 ans (C. pr. pén., art. 57-7-18). Cette mesure concernera désormais les faits relevant de l’une des dix premières fautes disciplinaires du premier degré, également modifiées par le présent décret (C. pr. pén., art. R. 57-7-1, mod.). Les motifs suivants sont maintenus :
  • violences physique ou tentative, à l’encontre d’un membre du personnel ou d’une personne en mission ou en visite dans l’établissement (1°) ou d’une personne détenue (2°) ;
  • extorsion (4°) ;
  • mise en danger intentionnelle d’autrui (5°) ;
  • mutinerie (7°, anc. 3° modifié) ;
  • participation à une évasion ou tentative d’évasion (8°, anc. 6°) ;
  • introduction, la détention ou l’échange d’objets, substances données stockées sur un support quelconque dangereux pour la sécurité des personnes ou de l’établissement (10°, anc. 7° modifié).
De nouveaux motifs sont ajoutés :
  • rébellion (3°) ;
  • provocation à la commission et l’apologie des actes de terrorisme (6°) ;
  • dégradation volontaire ou tentative des locaux ou du matériel de nature à compromettre ou perturber la sécurité, l’ordre ou le fonctionnement normal de l’établissement (9°, anc. 10° modifié).

Placement en cellule disciplinaire. — Le placement du mineur de plus de 16 ans en cellule disciplinaire est possible à titre de sanction (C. pr. pén., art. R. 57-7-36) et à titre préventif (C. pr. pén., art. 57-7-18). Un élargissement du champ d’application est prévu de la même manière que pour le confinement en cellule ordinaire.
En outre, l’article 10 du décret du 13 février 2019 procède à une coordination de rédaction au sein de l’article R. 57-7-36 du Code de procédure pénale, pour tenir compte de la reclassification des fautes disciplinaires (voir supra). Sans changement substantiel, il visera également, à l’avenir :
  • les menaces, insultes et outrages des 12° et 13° de l’article R. 57-7-1 (anciennement fautes du second degré codifiées aux 1° et 8° de l’article R. 57-7-2) ;
  • la soustraction à une sanction disciplinaire prononcée à son encontre (prévue, sans modification, au 7° de l’article R. 57-7-2).
 

III. Prononcé des sanctions


Sanctions générales et spéciales (majeur). — Jusqu’ici, il était de principe que lorsque la personne détenue est majeure, le président de la commission de discipline pouvait, pour une même faute, prononcer l'une des sanctions disciplinaires générales (C. pr. pén., art. R. 57-7-33) et, le cas échéant, l'une des sanctions disciplinaires spéciales (C. pr. pén., art. R. 57-7-34). La rédaction de l’article R. 57-7-50 du Code de procédure pénale va être modifiée, pour prévoir que le président de la commission peut prononcer l’une quelconque de ces sanctions (C. pr. pén., art. R. 57-7-33 et R. 57-7-34) et que, le cas échéant, une sanction générale (C. pr. pén., art. R. 57-7-33) pourra être complétée par une sanction spéciale (C. pr. pén., art. R. 57-7-34).

Non-cumul des sanctions de même nature. — La rédaction des articles R. 57-7-51 et R. 57-7-53 du Code de procédure pénale, respectivement applicables aux personnes détenues majeures et mineures, vont être clarifiées. Les deux premiers alinéas de chacun de ces textes seront remplacés par un seul, aux termes duquel lorsque la commission de discipline est amenée à se prononcer le même jour sur plusieurs fautes commises par une personne détenue (majeure ou mineure), et sauf décision contraire de son président, les durées des sanctions prononcées se cumulent. Toutefois, lorsque les sanctions sont de même nature, leur durée cumulée ne peut excéder la limite du maximum prévu pour la faute la plus grave. Pour l'application de ces dispositions, sont réputés de même nature… le reste sans changement (confinement en cellule individuelle ordinaire/placement en cellule disciplinaire ; privation de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration ou dont le mineur à l’usage personnel/privation d'activités culturelles, sportives ou de loisirs ; pour les majeurs, privation de la faculté d'effectuer des achats en cantine/interdiction de recevoir des subsides).
Source : Actualités du droit