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​CEDH : condamnation de la France pour entrave à l'exercice des droits de la défense

Pénal - Procédure pénale
05/07/2016
Le rejet d'un appel en raison du non-respect des formalités de désignation d'un nouvel avocat durant l'instruction est de nature à entraver l'exercice des droits de la défense.

En effet, dans les circonstances de l'espèce, où le requérant avait notifié l'identité de son nouvel avocat au juge d'instruction et à son greffier, il s'est vu imposer une charge disproportionnée qui rompt le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour désigner un nouvel avocat durant l'instruction et, d'autre part, le droit d'accès au juge. Telle est la substance d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), rendu le 30 juin 2016.

En l'espèce, M. D. sollicita le concours d'un huissier de justice dans le cadre de difficultés pour exercer son droit de visite et d'hébergement de son fils. Estimant que l'huissier avait omis d'indiquer un élément essentiel dans son constat, il saisit le président de la chambre départementale des huissiers pour s'en plaindre. M. D., assisté d'un avocat, Me C., porta plainte avec constitution de partie civile des chefs de faux et usage de faux.

Au cours de la procédure, il changea d'avocat. Il désigna Me L., inscrit au barreau de Reims, qui, le 11 juillet 2008, adressa au juge d'instruction un courrier dans lequel il déclarait entre autres agir en qualité de nouveau conseil du requérant.

Par une ordonnance rendue le 14 août 2008, le juge d'instruction refusa une mesure d'instruction complémentaire pour cause d'irrecevabilité de la constitution de Me L., considérant qu'au regard des dispositions de l'article 115 du Code de procédure pénale, l'avocat était dépourvu de qualité d'agir et des pouvoirs nécessaires pour représenter son client.
Les 16 et 18 août, M. D. informa par lettres recommandées avec accusé de réception, d'une part, le juge d'instruction et, d'autre part, son greffier, de son changement d'avocat avec la désignation de Me L. M. D. interjeta sans succès appel de l'ordonnance du 14 août 2008. Le juge d'instruction dit n'y avoir lieu à suivre la plainte et l'intéressé interjeta appel de cette ordonnance de non-lieu. La chambre de l'instruction déclara l'appel irrecevable et M. D. forma un pourvoi en cassation qui fut rejeté (Cass. crim., 26 oct. 2010, n° 10-80.912, F-D).

Invoquant l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme (CESDH), M. D. a allégué une violation du principe du contradictoire ainsi que de son droit d'accès à un tribunal. Il s'est plaint essentiellement de ce que la déclaration d'irrecevabilité de son appel, en lien avec la désignation de son nouvel avocat, souffre d'un formalisme excessif.

Énonçant la règle susvisée, la Cour condamne la France à verser au requérant 4000 euros pour dommage moral et 8730, 80 euros pour frais et dépens
Source : Actualités du droit