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Santé des personnes détenues : la feuille de route des ministères de la Santé et de la Justice

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
Public - Santé
09/07/2019
La feuille de route 2019-2022 relative à la santé des personnes détenues a été conjointement présentée début juillet, par la Chancellerie et le ministère de la Santé. Le but est d’améliorer la prévention, l’accès aux soins et le repérage du handicap ou de la perte d’autonomie des personnes placées sous main de justice. Aperçu des différentes mesures annoncées en ce qui concerne la santé des personnes détenues et des jeunes pris en charge par la PJJ.
Issue de travaux collectifs, la feuille de route 2019-2022 relative à la santé des personnes détenues a été présentée par Nicole Belloubet, garde des Sceaux et Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, le 2 juillet 2019.
Elle s’inscrit dans la dynamique globale de lutte contre les inégalités de santé, notamment en faveur des personnes vulnérables. Et, s’agissant des personnes placées sous main de justice (PPSMJ), la santé s’avère être un « facteur de réinsertion primordial ». L’idée directrice, louable, de cette feuille de route est que les personnes détenues et celles prises en charge par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) bénéficient, au même titre que l’ensemble de la population, des avancées des politiques publiques en matière de prévention et de soins.
Cinq axes prioritaires sont fixés pour guider les futures actions en la matière, particulièrement en ce qui concerne la santé mentale des PPSMJ.

Le premier axe d’action est de mieux suivre l’état de santé global des personnes détenues. Les ministères de la Santé et de la Justice conviennent que trop peu d’études ont été réalisées ces dernières années sur l’état de santé des personnes détenues. Dans ce cadre, deux mesures sont annoncées, en vue « d’apporter des réponses adaptées » aux besoins de santé en milieu pénitentiaire :
  • d’une part, l’engagement d’études nationales (santé mentale des personnes détenues, parcours de prise en charge depuis l’entrée en détention, fréquence des troubles mentaux, projets de soins à la sortie) ;
  • d’autre part, le déploiement d’outils permettant de suivre l’état de santé des personnes détenues et leur recours aux soins, avec la mobilisation des outils de recherche épidémiologique et du futur Health Data Hub.

Le deuxième axe concerne le développement de la prévention et la promotion de la santé auprès des PPSMJ, particulièrement celles suivies par la PJJ. Les outils de prévention existants ont vocation à être adaptés au milieu pénitentiaire. Plus concrètement, trois mesures sont envisagées :
  • l’inscription des jeunes pris en charge par la PJJ dans un « parcours santé jeunes » de l’Assurance maladie, afin de faciliter la réalisation de bilans de santé complets ;
  • le déploiement du service sanitaire des étudiants en santé (C. santé publ., art. D. 4071-1 et s. ; Arr. 12 juin 2018, NOR : SSAH1809646A, JO 13 juin) au sein des établissements pénitentiaires, des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et des services et établissements de la PJJ ;
  • le renforcement des actions de prévention du suicide (amélioration de la formation dédiée au risque suicidaire en milieu carcéral et à la prévention de la contagion suicidaire).

Le troisième axe consiste à améliorer l’accès aux soins, particulièrement en ce qui concerne l’offre de soins en santé mentale. Orientation primordiale, tandis que le Conseil d’État confirme que la continuité du suivi psychiatrique en milieu carcéral peut être utilement invoquée dans le cadre d’un référé-liberté (CE, 26 avr. 2019, n° 429686). Les pouvoirs publics observent que certains actes médicaux ne peuvent être effectués au sein des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP), notamment parce que certaines spécialités ne sont représentées au sein de l’unité ou que l’infrastructure n’est pas adaptée. Pour garantir l’accès aux soins, quatre types de réponse devraient être apportées :
  • le renforcement du recours à la télémédecine (C. santé publ., art. L. 6316-1 et R. 6316-1 et s.), en dotant la majorité des USMP en la matière ;
  • la création de nouvelles places en unité hospitalière spécialement aménagées (UHSA ; voir not. C. santé publ., art. L. 3214-1) ;
  • l’élargissement, dans toutes les régions, des stages en milieu pénitentiaire pour les internes en médecine ;
  • la rédaction d’un guide de bon usage du médicament en détention, ainsi que la mise en place de mesures permettant aux personnes détenues de sortir de la détention avec leurs prescriptions de médicaments.
 
Le quatrième axe de la feuille de route révèle la volonté de repérer et prendre en charge la perte d’autonomie et la dépendance en milieu carcéral. Il importe que les personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie liée notamment à l’âge, soient identifiées dès les premiers temps de leur incarcération et qu’elles soient soutenues dans leur vie quotidienne. Deux types de mesures sont annoncées pour garantir leurs droits (en prestations sociales, en aide humaine à la vie quotidienne et en aides techniques), qui sont les mêmes que les personnes libres :
  • le développement d’un outil de repérage du handicap ou de la perte d’autonomie, utilisable par le personnel pénitentiaire et les équipes soignantes. Il conviendra également de lever les freins pouvant exister pour l’accès aux droits (domiciliation, constitution de dossiers de demande…) et pour l’intervention, en détention, des services d’aide à la personne ;
  • La facilitation de l’accès des personnes détenues aux aides (APA et PCH notamment) et l’amélioration de la mise en œuvre des aides humaines ou techniques.

Le cinquième et dernier axe de la feuille de route exprime le souhait d’assurer la continuité de la prise en charge à la sortie de la détention, qui constitue un « risque majeur de rupture de la prise en charge ». Ceci, en renforçant la coopération entre les professionnels de la santé et de la justice (équipes de soins de l’unité sanitaire, SPIP, dispositifs sociaux et médico-sociaux et soins de ville et hospitaliers), en vue de structurer parcours de santé « aussi fluide et continu que possible ». Outre le rappel de la nécessité de s’assurer que les personnes détenues bénéficient, à leur sortie de détention, des prescriptions nécessaires (notamment, pour les usagers de stupéfiants, la remise de Naloxone en prévention des surdoses), les mesures suivantes sont annoncées :
  • La consolidation du dispositif relatif aux structures d’accompagnement vers la sortie (SAS), avec la finalisation du cahier des charges afférent (en cours d’élaboration) et l’évaluation des consultations précédant la sortie et des consultations extra carcérales existantes en matière de prise en charge en santé mentale ;
  • L’amélioration de l’accueil, notamment en EHPAD, des personnes âgées dépendantes sortant de détention, en renforçant la coordination des acteurs, à l’intérieur de la prison et avec les différents acteurs extérieurs.
Source : Actualités du droit