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Précisions sur les conditions et les effets de la déclaration judiciaire de délaissement parental

Civil - Personnes et famille/patrimoine
20/06/2019
La seule condition du délaissement prononcé à l’endroit de l’un des parents est que celui-ci n’ait pas entretenu avec l’enfant les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l’année qui précède l’introduction de la requête, sans que celui-ci en ait été empêché par quelque cause que ce soit.
La Cour de cassation était saisie par le tribunal de grande instance de Cherbourg d’une demande d’avis relative au domaine d’application de la déclaration judiciaire de délaissement parental unilatérale.

La question principale était la suivante : « Les articles 381-1 et 381-2 du Code civil doivent-ils être interprétés en ce sens qu’un enfant dont la filiation est établie à l’égard de ses deux parents ne peut être déclaré judiciairement délaissé par un seul de ses parents que si l’autre parent, c’est-à-dire celui à l’encontre duquel la procédure n’est pas engagée, n’est plus titulaire de l’autorité parentale ou a remis volontairement l’enfant au service de l’aide sociale à l’enfance en vue de son admission en qualité de pupille de l’État ? ».

Après avoir rappelé, à titre liminaire, les dispositions des articles 381-1 et 381-2 du Code civil, la Cour de cassation est d’avis que ces textes ne prévoient pas de condition particulière pour la déclaration judiciaire de délaissement parental unilatérale, prononcée à l’endroit d’un seul parent. En particulier, ils ne disposent pas que cette décision ne pourrait intervenir que dans le cas d’une perte de l’autorité parentale par le parent non délaissant ou d’une remise volontaire, par celui-ci, de l’enfant au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) en vue de son admission en qualité de pupille de l’État. Imposer de telles conditions serait ajouter à la loi. Il en résulte qu’il doit être répondu négativement à la première question, la seule condition du délaissement prononcé à l’endroit de l’un des parents étant que celui-ci n’ait pas entretenu avec l’enfant les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l’année qui précède l’introduction de la requête, sans que celui-ci en ait été empêché par quelque cause que ce soit.

Le TGI avait également demandé à titre subsidiaire et en cas de réponse négative des précisions sur les effets de la déclaration judiciaire de délaissement parental unilatérale sur l’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’État.
Pour la Cour de cassation, les articles L. 224-4, 6°, et L. 224-8, I, du Code de l’action sociale et des familles relatifs aux conditions d’admission en qualité de pupille de l’État de l’enfant déclaré judiciairement délaissé ne distinguent pas selon que le délaissement concerne les deux parents ou un seul. Cependant, un enfant qui a été déclaré judiciairement délaissé par un seul de ses parents ne saurait être admis en qualité de pupille de l’État si l’autre parent conserve ses droits d’autorité parentale et ne l’a pas remis volontairement au service de l’ASE en vue de son admission en qualité de pupille de l’État. En effet, cette admission entraîne l’ouverture d’une tutelle et la perte des droits parentaux. Elle rend l’enfant adoptable, en application de l’article 347, 2° du Code civil. L’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’État ne saurait en conséquence revêtir un caractère automatique en cas de déclaration judiciaire de délaissement parental unilatérale, en raison de l’atteinte aux droits du parent non délaissant qui en résulterait. La déclaration judiciaire de délaissement parental unilatérale ne peut avoir pour effet de priver de ses droits parentaux le parent non délaissant. Les articles L. 224-4, 6°, et L. 224-8, I, du Code de l’action sociale et des familles doivent donc être interprétés en ce sens qu’ils n’autorisent pas l’admission en qualité de pupille de l’État d’un enfant, dont la filiation est établie à l’égard de ses deux parents, lorsque le délaissement parental est déclaré judiciairement à l’endroit d’un seul parent et que l’autre parent, non privé de l’autorité parentale, n’a pas remis volontairement l’enfant au service de l’ASE en vue de cette admission.

En outre, la Cour est également d’avis que l’article 347, 3° du Code civil ne peut être interprété en ce sens qu’il autorise l’adoption d’un enfant, dont la filiation est établie à l’égard de ses deux parents, lorsque le délaissement parental est déclaré judiciairement à l’endroit d’un seul parent et que l’autre parent, non privé de ses droits d’autorité parentale, n’a pas donné son consentement.

Par ailleurs, lorsque le délaissement parental de l’enfant n’est judiciairement déclaré qu’à l’endroit d’un seul parent, la délégation de l’autorité parentale prévue à l’article 381-2, alinéa 5 du Code civil ne peut porter que sur les droits du parent délaissant, à l’exclusion de ceux de l’autre parent. Dans cette hypothèse, le partage de l’exercice de l’autorité parentale entre le délégataire et le parent non délaissant, s’il exerce l’autorité parentale, ne requiert pas l’accord de ce dernier.

Enfin, l’intérêt supérieur de l’enfant étant une norme supra-légale, il doit être pris en considération dans toutes les décisions concernant les enfants. Le tribunal peut donc, au regard des circonstances particulières du dossier et si l’intérêt de l’enfant l’exige, rejeter la demande de déclaration judiciaire de délaissement parental, alors même que les conditions légales posées à l’article 381-1 du Code civil seraient réunies.
Source : Actualités du droit