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Adoption de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel

Pénal - Procédure pénale, Droit pénal spécial
06/04/2016
S'il faut constater des désaccords persistants, il importe de souligner l’instauration, par ce texte, d’un profond changement de logique de l’appréhension institutionnelle de la prostitution. Ce dernier se révèle par la reconnaissance de la personne se livrant à la prostitution en tant que "victime" (suppression du délit de racolage passif) et, corrélativement, par la responsabilisation du client (pénalisation du recours à la prostitution). Outre ces deux mesures "phare", la loi crée une circonstance aggravante spécifique, consacre le stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, organise la constitution de partie civile des associations et le recours au dispositif de protection des témoins et aménage les dispositions relatives au huis clos.

Abrogation du délit de racolage passif : le délit de l’article 225-10-1 du Code pénal, sanctionnant de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération est abrogé. Rappelons que cette incrimination avait été créée, non sans controverses, par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (JO 19 mars).
 
Pénalisation du recours à la prostitution : création d’un article 611-1 au sein du livre VI du Code pénal, contraventionnalisant « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage ». Ce fait est passible de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, c’est-à-dire 1 500 euros au plus (C. pén., art. 131-13), ainsi que des peines complémentaires de l’article 131-16 du Code pénal et la peine de travail d’intérêt général (C. pén., art. 131-17, al. 2). Lorsqu’il est commis en récidive, dans les conditions de l’article 132-11, alinéa 2 du Code pénal, les faits sont correctionnalisés et font encourir à leur auteur une amende de 3 750 euros d’amende (C. pén., art. 225-12-1). Lorsque la victime est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse, les peines encourues sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.
 
Circonstance aggravante : lorsque les faits sont commis, dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, les peines encourues sont aggravées s’agissant :
- du viol (C. pén., art. 222-24)
- de l’agression sexuelle (C. pén., art. 222-28)
- des actes de torture et de barbarie (C. pén., art. 222-3),
- des violences, quel que soit le résultat (violences mortelles - C. pén., art. 222-8 ; violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente - C. pén., art. 222-10 ; une ITT pendant plus de huit jours - C. pén., art. 222-12 ; moins de huit jours ou n’ayant entraîné aucune ITT - C. pén., art. 222-13).
 
Stage de sensibilisation : reconnaissance de la possibilité, pour le procureur de la République, de proposer l’accomplissement d’un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, préalablement à sa décision sur l’action publique : dans le cadre d’une procédure alternative à l’action publique (C. proc. pén., art. 41-1, 2° modifié) ou dans le cadre d’une composition pénale (C. proc. pén., art. 41-2, 17 bis, nouveau). Ce stage de sensibilisation peut également être prononcé à titre de peine complémentaire (C. pén., art. 131-16, 131-35-1 et 225-20, 9°)
 
Constitution de partie civile – associations : l’article 2-22 du Code de procédure pénale est complété, pour reconnaître à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits dont l’objet statutaire comporte la lutte contre le proxénétisme ou l’action sociale en faveur des personnes prostituées, le droit d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimées par les articles 225-5 à 225-12-2 du Code pénal, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. L’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime ; si celle-ci est un mineur ou un majeur protégé, l’accord est donné par son représentant légal. Le texte précise également que si l’association est reconnue d’utilité publique, son action est recevable y compris sans l’accord de la victime. La loi n° 75-229 du 9 avril 1975 habilitant les associations constituées pour la lutte contre le proxénétisme à exercer l’action civile est abrogée.
 
Protection des témoins : création de l’article 706-40-1 du Code de procédure pénale, prévoyant la possibilité d’accorder le bénéfice du dispositif de protection des témoins (C. proc. pén., art. 706-63-1), aux victimes des faits relevant des articles 225-4-1 et suivants du Code pénal (traite des êtres humains) et des articles 225-5 et suivants du même Code (proxénétisme et infractions en résultant). Ces dispositions sont également applicables aux membres de la famille et aux proches des personnes protégées.
 
Huis clos : l’article 306 du Code de procédure pénale sera désormais applicable lorsque les poursuites sont exercées du chef de traite des êtres humains ou de proxénétisme aggravé : en pareil cas, comme en matière de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles ne s'y oppose pas.
 

Source : Actualités du droit