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La semaine du droit de la responsabilité

Civil - Responsabilité
16/12/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de la responsabilité, la semaine du 9 décembre 2019.
Transporteur ferroviaire – faute du voyageur – exonération
« Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 décembre 2017), le3 juillet 2013, Madame X, munie d'un titre de transport, circulait sur la ligne ferroviaire reliant Nice à Cagnes-sur-Mer, dans un compartiment bondé, lorsqu'elle a été victime d'un écrasement du pouce gauche à la suite de la fermeture d'une porte automatique.
Le 16 juillet 2014, elle a assigné la société SNCF mobilités (la SNCF) aux fins de la voir déclarée entièrement responsable de son préjudice et condamnée à lui payer une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice. La caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-maritimes a été appelée en la cause
(…) Vu les articles 11 du règlement CE no 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007, et 26 de son annexe I, L. 2151-1 du Code des transports et 1147 du Code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016–131 du 10 février 2016 :
Selon une jurisprudence constante, rendue au visa du dernier de ces textes, le transporteur ferroviaire, tenu envers les voyageurs d'une obligation de sécurité de résultat, ne peut s'exonérer de sa responsabilité contractuelle en invoquant la faute d'imprudence de la victime que si cette faute, quelle qu'en soit la gravité, présente les caractères de la force majeure (1re Civ.,13 mars 2008, pourvoi no 05-12.551, Bull. 2008, I, no 76 ; Ch. mixte,28 novembre 2008, pourvoi no 06-12.307, Bull. 2008, I, no 3).
Toutefois, aux termes du premier, sans préjudice du droit national octroyant aux voyageurs une plus grande indemnisation pour les dommages subis, la responsabilité des entreprises ferroviaires relative aux voyageurs et à leurs bagages est régie par le titre IV, chapitres I, III et IV, ainsi que les titres VI et VII de l'annexe I du règlement no 1371/2007.
Et selon le deuxième, le transporteur est responsable du dommage résultant de la mort, des blessures ou de toute autre atteinte à l'intégrité physique ou psychique du voyageur causé par un accident en relation avec l'exploitation ferroviaire survenu pendant que le voyageur séjourne dans les véhicules ferroviaires, qu'il y entre ou qu'il en sorte et quelle que soit l'infrastructure ferroviaire utilisée. Il est déchargé de cette responsabilité dans la mesure où l'accident est dû à une faute du voyageur.
Ces dispositions du droit de l'Union, entrées en vigueur le 3 décembre 2009, sont reprises à l'article L. 2151-1 du Code des transports, lequel dispose que le règlement no 1371/2007 s'applique aux voyages et services ferroviaires pour lesquels une entreprise doit avoir obtenu une licence conformément à la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen.
Il en résulte que le transporteur ferroviaire peut s'exonérer de sa responsabilité envers le voyageur lorsque l'accident est dû à une faute de celui-ci, sans préjudice de l'application du droit national en ce qu'il accorde une indemnisation plus favorable des chefs de préjudices subis par la victime.
Il y a lieu, en conséquence, de modifier la jurisprudence précitée.
Pour accueillir les demandes de Madame X, l'arrêt retient que l'article 11 du règlement no 1371/2007 pose un principe général de responsabilité du transporteur ferroviaire au-dessous duquel les Etats membres ne peuvent légiférer, ainsi qu'un principe de droit à indemnisation. Il ajoute que l'article 26, § 2, b), de l'annexe I, qui n'envisage qu'une faute simple du voyageur, est de nature à limiter la responsabilité du transporteur et, par suite, l'indemnisation du voyageur au regard du droit interne français, plus exigeant sur les conditions d'exonération du transporteur ferroviaire. Il en conclut que seul l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, trouve à s'appliquer.
En statuant ainsi, alors que les dispositions du règlement devaient recevoir application, la cour d'appel a violé les textes susvisés »
Cass. 1re civ., 11 déc. 2019, n° 18-13.840, P+B+R+I*

Amiante – Fonds d’indemnisation des victimes – indu
« Vu l’article 171 de la loi no 2015-1785 du 29 décembre 2015 ensemble l’article 1302-1 du Code civil ;
Aux termes du premier de ces textes, les victimes ou leurs ayants droit qui ont été reconnus débiteurs du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) par décision juridictionnelle rendue de manière irrévocable entre le 1er mars 2009 et le 1er mars 2014, à raison de la non-déduction des prestations versées par les organismes de sécurité sociale au titre de l'indemnisation d'un même préjudice ou de l'application, pour le calcul du montant de l'indemnité d'incapacité fonctionnelle permanente, de la valeur du point d'incapacité prévue par un barème autre que celui du fonds, sont réputés avoir définitivement acquis les sommes dont ils étaient redevables ; que tout paiement par les victimes ou leurs ayants droit intervenu à ce titre est devenu indu par l'effet de cette disposition, ce dont il résulte qu'il est sujet à répétition en application du second des textes susvisés ;
Selon l’arrêt attaqué, que Monsieur X est atteint d'une maladie occasionnée par l'amiante, dont le caractère professionnel a été reconnu par l'organisme de sécurité sociale qui lui a alloué des prestations ; qu’il a sollicité l’indemnisation de ses préjudices auprès du FIVA ; que par arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2010 (2e Civ., 18 février 2010, pourvoi no 09-65.866), l’arrêt fixant l’indemnisation de Monsieur X a fait l’objet d’une cassation partielle faute d’avoir déduit des sommes lui revenant les prestations versées par l’organisme de sécurité sociale ; que la cour d’appel de Douai, désignée comme cour de renvoi, a constaté le désistement de Monsieur X, le 3 octobre 2013, à la suite d’un accord des parties sur le montant des indemnités remis en cause par la cassation ; que son état de santé s’étant aggravé, il a sollicité l’indemnisation de ses nouveaux préjudices ; que le FIVA a déduit une partie des prestations versées par l’organisme social, non déduites précédemment, des sommes revenant à la victime du fait de cette aggravation ; qu’à la suite de l’adoption de l’article 171 de la loi du 29 décembre 2015, M. Fontaine a demandé le remboursement des sommes dont le FIVA avait ainsi obtenu paiement par compensation ;
Pour débouter Monsieur X de sa demande de remboursement des compensations opérées en 2014 et 2015 entre sa dette envers le Fonds et des indemnités dues par ce dernier du chef de l’aggravation de son état pour un montant total de 7 618,22 euros, l’arrêt énonce qu'il n'est pas discutable que l'obligation de Monsieur X de payer sa dette au FIVA s'est éteinte à due concurrence de cette somme avant même que n'entre en vigueur l'article 171 de la loi de finances du 29 décembre 2015 et que ce texte s’applique à la situation de Monsieur X telle qu'existante à la date de son entrée en vigueur le 1er janvier 2016 sans que cette disposition puisse produire un quelconque effet sur une partie de son obligation par définition juridiquement éteinte ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés
»
Cass. 2e civ., 12 déc. 2019, n° 18-20.457, P+B+I*

 Homicide volontaire – préjudices subis par l’enfant de la victime – réparation
«  Vu l’article 706-3 du Code de procédure pénale
Selon ce texte, que la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage;
Selon l’arrêt attaqué, que X a été victime d'un homicide volontaire dont Messieurs Y et Z ont été reconnus coupables par une cour d'assises ; que Madame X, agissant en qualité d'administratrice légale de sa fille A, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) en réparation des préjudices subis par l'enfant ;
Pour retenir le principe d’une indemnisation partielle et allouer à Madame X , ès qualités, la somme totale de 37 000 euros, l’arrêt énonce qu’il appartient à la juridiction de jugement d’apprécier in concreto les éléments du dossier pour déterminer si la faute de la victime est de nature soit à exclure toute forme d’indemnisation, soit à en minorer le montant et que cette appréciation doit tenir compte de la qualité du demandeur ; qu’en l’espèce, si les éléments du dossier établissent que X s’adonnait à un trafic de stupéfiants, ses « assassins » étant en dette vis-à-vis de lui, il est également établi que leur passage à l’acte a été manifestement disproportionné par rapport à ce qu’ils pouvaient reprocher à leur fournisseur de sorte que si la faute de la victime doit être prise en compte, elle n’a pas été véritablement déterminante de ce crime ; qu’il ajoute qu’il s’agit ici de permettre l’indemnisation des préjudices matériels et moraux subis par l’enfant mineur de la victime, âgée de deux ans au moment des faits et donc parfaitement innocente et ce, alors que les deux condamnés n’ont, à ce jour, effectué aucun paiement ni même laissé entrevoir cette possibilité ; qu’il convient à cet égard de rappeler que si le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) intervient au bénéfice des victimes, il lui appartient de se retourner vers les auteurs des faits aux fins de récupération des sommes ainsi avancées ;
Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants tenant à la qualité de victime par ricochet du demandeur, à l’existence de paiements antérieurement intervenus à son profit de la part du condamné et à l’existence d’un recours subrogatoire ouvert au FGTI, alors que seule la faute de la victime directe doit être prise en considération par le juge de l’indemnisation pour déterminer si la réparation doit être refusée ou si son montant doit seulement être réduit, la cour d’appel a violé le texte susvisé »
Cass. 2e civ., 12 déc. 2019, n° 18-21.360, P+B+I*

  
Destruction par incendie d’un véhicule terrestre à moteur – propriétaires indivis – indemnisation
« Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 juin 2018), que le 20 avril 2014, le véhicule appartenant à Monsieur X et Madame Y a été incendié ; qu'ils ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de l'article 706-14-1 du Code de procédure pénale ;
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) fait grief à l'arrêt d'allouer à Monsieur X et Madame Y, chacun, la somme de 4 500 euros, qu'il devra leur verser, alors, selon le moyen que la destruction par incendie d'un véhicule terrestre à moteur dont plusieurs personnes sont indivisément propriétaires ne peut donner lieu au paiement que d'une seule indemnité sur le fondement de l'article 706-14-1 du Code de procédure pénale, à répartir entre les coindivisaires ; qu'en allouant à chacun des époux X, dont elle avait relevé qu'ils étaient propriétaires indivis du véhicule incendié, la somme de 4 500 euros, la cour d'appel a violé les articles 706-14 et 706-14-1 du Code de procédure pénale ;
Mais aux termes de l'article 706-14-1 du Code de procédure pénale, l'article 706-14 est applicable à toute personne victime de la destruction par incendie d'un véhicule terrestre à moteur lui appartenant qui justifie au moment des faits avoir satisfait aux dispositions du Code de la route relatives au certificat d'immatriculation et au contrôle technique ainsi qu'aux obligations prévues à l'article L. 211-1 du Code des assurances, sans qu'elle ait à établir qu'elle se trouve dans une situation matérielle ou psychologique grave ; qu'elle peut alors bénéficier d'une indemnité lorsque ses ressources ne dépassent pas 1,5 fois le plafond prévu par le premier alinéa de l'article 706-14 ; qu'ayant relevé que Monsieur X, qui avait acheté le véhicule incendié, et Madame Y, titulaire de la carte grise, en étaient propriétaires indivis, c'est à bon droit que la cour d'appel qui constatait ainsi qu'ils étaient chacun victime de la destruction par incendie de ce véhicule, a décidé qu'ils étaient tous deux fondés à solliciter une indemnisation, dans la limite du préjudice subi par chacun et du plafond prévu par l'article 706-14-1 du Code de procédure pénale »
Cass. 2e civ., 12 déc. 2019, n° 18-21.401, P+B+I*


*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 16 janvier 2020
 
 
 
 
Source : Actualités du droit