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Droit de ne pas s’auto-incriminer : quid des données contenues dans les téléphones ?

Pénal - Procédure pénale
18/12/2019
Dans un arrêt rendu le 10 décembre 2019, la chambre criminelle précise que le droit de ne pas s’incriminer soi-même ne s’étend pas aux données contenues dans les téléphones.
 
En vertu de l’article 434-15-2 du Code pénal, le refus de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie est sanctionné par la loi.
 
En l’espèce, le conducteur d’un véhicule fait l’objet d’un contrôle. Sont découverts à l’intérieur de son véhicule : du cannabis, un téléphone portable et une somme d’argent en liquide.

Une perquisition est également effectuée à son domicile. Celle-ci permet la découverte de 3780 euros en liquide ainsi que de trois téléphones. Au cours de cette mesure, le mis en cause refuse de répondre aux enquêteurs et ne consent pas à leur transmettre les codes permettant de déverrouiller les téléphones mobiles découverts. 
Par la suite, il est condamné pour infraction à la législation sur les stupéfiants en récidive et refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie. Contestant cette condamnation, il forme un pourvoi en cassation.

Selon lui, l’article 434-15-2 du Code pénal, qui incrimine le refus de remettre la convention de déchiffrement, méconnait le droit de ne pas s’auto-incriminer garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. En l’occurrence, la cour d’appel avait jugé qu’une telle atteinte « est constituée dès lors que les données ne peuvent exister indépendamment de la volonté du suspect, ce qui n’est pas le cas des données contenues dans les téléphones, qui peuvent être obtenues par des moyens techniques ».
 
Un raisonnement approuvé par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Ainsi la Haute juridiction estime « qu’en statuant ainsi, et dès lors que le droit de ne pas s’incriminer soi-même ne s’étend pas aux données que l’on peut obtenir de la personne concernée en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté de l’intéressé, la cour d'appel n'a méconnu aucune des dispositions légales et conventionnelles visées au moyen ».
 
 
 
Remarque : Dans l’arrêt Saunders, la CEDH avait précisé que le droit de ne pas s’auto-incriminer ne s’étend pas « à l’usage, dans une procédure pénale, de données que l’on peut obtenir de l’accusé en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté du suspect, par exemple les documents recueillis en vertu d’un mandat, les prélèvements d’haleine, de sang et d’urine ainsi que de tissus corporels en vue d’une analyse de l’ADN » (CEDH, 17 déc. 1996, aff. 19187/91, S c/ Royaume-Uni).  
 
Source : Actualités du droit