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Image  Par Laura DE CASALTA, Master 2 Droit du patrimoine professionnel, Master 2 Gestion de patrimoine et banque privée

Donation avant cession d’actions à un mineur : l’autorisation du juge désormais indispensable !

Civil - Personnes et famille/patrimoine
12/09/2016
Rédigé sous la direction de Maître Caroline EMERIQUE GAUCHER, notaire
En partenariat avec le Master 2 Droit du patrimoine professionnel (223), Université Paris-Dauphine

L’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille avait pour ambition d’alléger les règles de l’administration légale, mais leur mise en œuvre a été a contrario complexifiée. La cession de valeurs mobilières par les administrateurs légaux requiert désormais l’autorisation du juge des tutelles, alors qu’à l’issue de l’opération de donation avant cession, le mineur détient dans son patrimoine des liquidités, par essence sans risque.
L’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, prise en application de la loi d’habilitation n° 2015-177 du 16 février 2015, a profondément modifié le régime de la protection juridique des mineurs ainsi que les règles applicables à la donation avant cession des valeurs mobilières.
 

Déroulement de la donation avant cession


Un parent détenant un portefeuille de valeurs mobilières en forte plus-value, en fait donation à son enfant. La donation gommant la plus-value, seuls les droits de donation doivent être acquittés. L’enfant détient alors dans son patrimoine des actifs, par essence risqués, du fait de leur possible fluctuation de valeur. L’enfant, représenté par son administrateur légal, va procéder à la cession de ces valeurs mobilières en retenant comme prix d’acquisition la valeur au moment de la donation. Réalisée dans un laps de temps relativement court, la fluctuation de valeur est faible, de sorte que lors de la revente, la plus-value de cession enregistrée est minime voire nulle. À l’issue de l’opération, le mineur détient un actif sans risque, à savoir des liquidités. Le parent a transmis une partie de son patrimoine dans des conditions fiscales avantageuses tout en sécurisant le patrimoine de son descendant.
 

Régime applicable avant l’ordonnance


Lorsque les deux parents exerçaient l’autorité parentale, il s’agissait du régime d’administration légale pure et simple. Lorsqu’un seul parent était titulaire de l’autorité parentale, le régime d’administration légale sous contrôle judiciaire devait s’appliquer.

Selon l’article 389-5 ancien du Code civil, en administration légale pure et simple, il était fait application du principe de cogestion pour les actes de disposition, à l’exception, de certains actes énumérés au 3e alinéa pour lesquels l’autorisation du juge des tutelles était requise.

Dans cette liste, ne figure pas la vente de titres appartenant au mineur sous administration légale pure et simple. La vente d’actions était un acte de disposition que les parents devaient accomplir ensemble mais sans l’autorisation du juge des tutelles.
 

     > Cet article fait partie du dossier spécial Patrimoine 2016


 

Régime applicable depuis l’ordonnance


Tout d’abord, l’ordonnance a supprimé les régimes d’administration légale pure et simple et d’administration sous contrôle judiciaire au profit d’un régime unique d’administration légale (ord. n° 2015-1288, 15 oct. 2015, art. 3) afin de supprimer les différences de traitement entre les familles monoparentales et biparentales. Désormais, l’administrateur légal unique peut accomplir seul les actes d’administration portant sur les biens du mineur. En présence des deux parents, un parent peut accomplir seul l’acte d’administration du fait de la présomption légale d’accord entre les deux administrateurs (C. civ., art. 382-1). Concernant les actes de disposition portant sur les biens du mineur, le parent exerçant seul l’autorité parentale peut accomplir ces actes sans demander l’autorisation du juge des tutelles. S’ils sont deux, les administrateurs légaux devront accomplir ensemble les actes de disposition et en cas de désaccord entre eux, le juge des tutelles sera saisi aux fins d’autorisation de l’acte (C. civ., art. 387).
 
Le Code civil a toutefois conservé une liste d’actes graves édictée à l’article 387-1 du Code civil. Concernant ces actes, l’administrateur légal doit, au préalable, demander l’autorisation du juge des tutelles notamment pour tout acte portant sur des valeurs mobilières ou instruments financiers (au sens de l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier) qui aurait pour conséquence de modifier le contenu ou déprécier la valeur du patrimoine du mineur, ou diminuer les pouvoirs de ce dernier (C. civ., art. 387-1 8°). Sous le nouveau régime d’administration légale, la vente d’actions détenues par le mineur est donc soumise à l’autorisation du juge des tutelles. Or, le délai entre, d’une part, la donation effectuée au profit de l’enfant et, d’autre part, l’autorisation de la cession des valeurs mobilières par les parents, peut, de par sa longueur, rendre inopportune l’opération.
 

Interprétation stricte de l’article


L’article 387-1 8° du Code civil vise tous les actes « portant sur des valeurs mobilières ou instruments financiers au sens de l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier ». Parmi les instruments financiers définis à cet article du Code monétaire et financier, sont cités les titres financiers et notamment les titres de capital émis par les sociétés par actions, mais ne sont pas visées les parts sociales. Par conséquent, l’article énonçant une liste exhaustive et étant donc d’interprétation stricte, il nous semble que si l’autorisation du juge doit être sollicitée pour les actes portant sur des valeurs mobilières, elle ne doit pas l’être pour les parts sociales.
 

À prendre en compte dans une réflexion plus globale


Ainsi, le chef d’entreprise qui souhaite modifier la forme sociale de sa société, devra être averti de l’opportunité que peut constituer l’adoption d’une société dont le capital est constitué de parts sociales, pour la transmission de son patrimoine à ses descendants.
 

L’outil de la pratique : le tiers administrateur


Son intervention


L’article 384 du Code civil prévoit que les biens donnés ou légués au mineur, administrés par un tiers, échappent aux dispositions de l’administration légale. Le texte reste cependant silencieux sur la désignation du tiers, laissant une liberté accrue au disposant, exception faite aux père et mère qui ne peuvent se désigner comme tiers administrateur.
 

Ses pouvoirs


Le tiers administrateur détient des pouvoirs définis librement par l’acte de donation ou par le testament. À défaut, il dispose de ceux de l’administrateur légal. L’acte peut donc prévoir des pouvoirs plus importants que ceux conférés par l’administration légale. Le tiers administrateur peut se voir attribuer des pouvoirs de disposition et cela, sans l’autorisation préalable du juge des tutelles. Il pourra donc effectuer tout acte de disposition et d’administration au nom du mineur. La nature précise de ces actes pourra également être définie dans l’acte de donation. Afin de garantir les intérêts du patrimoine de l’enfant, le notaire peut prévoir dans l’acte la nomination d’un contrôleur de gestion, mais également un système de garantie et de sanction en cas de défaillance du tiers administrateur.
Source : Actualités du droit