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Prestation de serment devant la cour d’assises : quid des partenaires et des concubins ?

Civil - Personnes et famille/patrimoine
Pénal - Procédure pénale
28/02/2020
Inconstitutionnalité reconnue de dispositions relatives à l’obligation de prêter serment. En effet, les Sages estiment que la différence de traitement entre époux, concubins et partenaires, concernant leur déposition sous la foi ou non du serment, porte atteinte au principe d’égalité devant la loi et devant la justice.
Deux QPC, portant sur la déposition sans prestation de serment pour le conjoint de l’accusé, ont été transmises au Conseil constitutionnel. Elles portent plus précisément sur les articles 331 du Code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 9 mars 2004 et 335 du même Code dans sa rédaction issue de la loi du 10 août 2011. Les Sages statuent par une seule décision.
 
Pour rappel l’article 331 du Code de procédure pénale prévoit le déroulement des dépositions des témoins devant la cour d’assises et l’article 335 dresse la liste des personnes dispensées du serment notamment, « du mari ou de la femme ; cette prohibition subsiste même après le divorce ».
 
Selon les requérants, les dispositions prévoyant le fait que le mari ou la femme de l’accusé témoigne sans avoir prêté serment devant la cour d’assises, créent une différence de traitement entre les époux et les concubins ou partenaires liés par un PACS qui doivent eux, prêter serment. Le principe d’égalité devant la loi ou devant la justice serait méconnu.
 
Pour l’un des requérants, le fait de priver les concubins de la possibilité de témoigner sans prêter serment, à titre de simples renseignements et sans encourir le risque d’être poursuivi pour faux témoignage, serait une atteinte aux droits de la défense.
 
L’article 331 du Code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 9 mars 2004 dispose :
 « Les témoins déposent séparément l'un de l'autre, dans l'ordre établi par le président.
« Les témoins doivent, sur la demande du président, faire connaître leurs nom, prénoms, âge, profession, leur domicile ou résidence, s'ils connaissaient l'accusé avant le fait mentionné dans l'arrêt de renvoi, s'ils sont parents ou alliés, soit de l'accusé, soit de la partie civile, et à quel degré. Le président leur demande encore s'ils ne sont pas attachés au service de l'un ou de l'autre.
« Avant de commencer leur déposition, les témoins prêtent le serment "de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité". Cela fait, les témoins déposent oralement. Le président peut autoriser les témoins à s'aider de documents au cours de leur audition.
« Sous réserve des dispositions de l'article 309, les témoins ne sont pas interrompus dans leur déposition.
« Les témoins déposent uniquement, soit sur les faits reprochés à l'accusé, soit sur sa personnalité et sur sa moralité
».
 
L’article 335 du même Code dans sa rédaction issue de la loi du 10 août 2011 prévoit que : 
« Ne peuvent être reçues sous la foi du serment les dépositions :
« 1° Du père, de la mère ou de tout autre ascendant de l'accusé, ou de l'un des accusés présents et soumis au même débat ;
« 2° Du fils, de la fille, ou de tout autre descendant ;
« 3° Des frères et sœurs ;
« 4° Des alliés aux mêmes degrés ;
« 5° Du mari ou de la femme ; cette prohibition subsiste même après le divorce ;
« 6° De la partie civile ;
« 7° Des enfants au-dessous de l'âge de seize ans ;
« 8° De toute personne qui a été accusée, prévenue ou condamnée soit pour le crime dont est saisie la cour d'assises en qualité de coauteur ou de complice, soit pour un crime ou un délit connexe ou formant un ensemble indivisible avec le crime dont est saisie la cour d'assises
».
 
Le principe d’égalité devant la loi est encadré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui prévoit que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Néanmoins, le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur peut régler de façon différente des situations différentes et déroger au principe d’égalité pour des raisons d’intérêt général si la différence de traitement est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
 
Dans le cas particulier, l’article 331 du Code de procédure pénale impose aux témoins de prêter le serment suivant « parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité ». Sachant que le refus de déposition est puni d’une amende de 3 750 euros et le mensonge d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
 
Le mari ou la femme de l’accusé n’est pas obligé de prêter serment. En revanche, le concubin ou le partenaire, si. Le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur a voulu préserver le conjoint qui doit témoigner et qui devrait choisir entre mentir ou se taire sous peine de poursuites, et dire la vérité qu’elle soit défavorable ou non à la cause de l’accusé.  
 
Néanmoins, les Sages rappellent qu’il existe trois formes d’union sous lesquelles peuvent s’organiser une vie commune d’un point de vue juridique : le mariage, le concubinage ou le pacte civil de solidarité. Mais selon eux, « si l'intensité des droits et obligations qui s'imposent aux membres du couple diffèrent selon qu'ils choisissent l'une ou l'autre de ces unions, les concubins ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité ne sont pas moins exposés que les conjoints au dilemme moral dont le législateur a entendu préserver ces derniers lorsqu'ils sont appelés à témoigner au procès de leur conjoint accusé ».
 
Du côté judiciaire, la Cour de cassation estime de manière constante qu’une déposition effectuée sans prêter serment alors que le témoin aurait dû le faire, peut vicier la procédure. Alors, limiter la liste des personnes susceptibles d’être dispensées du serment en raison de leur proximité avec l’accusé se justifie « par l'intérêt qui s'attache à ce que la cour d'assises puisse facilement s'assurer de l'existence ou non du lien du témoin avec l'accusé. Tel est notamment le cas du mariage, compte tenu de la publicité dont il fait l'objet ». Pour autant, le pacte civil de solidarité fait également l’objet d’un enregistrement en mairie.
 
Concernant le concubinage, il s’agit d’une union de fait caractérisée par une vie commune de deux personnes vivant en couple présentant un caractère de stabilité et de continuité. La cour d’assises peut dans le cadre de l’instruction s’assurer de l’existence d’une vie commune constitutive d’un concubinage. « Dès lors, l'intérêt qui s'attache à faciliter la connaissance par la juridiction des liens unissant l'accusé et le témoin ne saurait, à lui seul, justifier la différence de traitement établie par les dispositions contestées entre le mariage, le concubinage et le pacte civil de solidarité » estiment les Sages.
Source : Actualités du droit