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Aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger : l’action militante exercée dans un cadre associatif n’exclut pas de l’immunité humanitaire

Pénal - Droit pénal général
06/03/2020
Il ne résulte nullement des dispositions de l’article L. 622-4 3° du ceseda que le bénéfice de l’immunité humanitaire soit limité aux actions purement individuelles et personnelles et qu’en soit excluent les actions militantes.
 
Par jugement du 2 octobre 2017, le tribunal correctionnel de Nice avait condamné un prévenu à trois mois d’emprisonnement avec sursis, pour avoir commis l’infraction d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers de plusieurs étrangers en France. Le requérant et le ministère public ont interjeté appel de ce jugement.
 
Le requérant fait grief à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de ne pas lui avoir reconnu le bénéfice de l’immunité humanitaire prévue par l’article L. 622-4 3° du ceseda et de l’avoir condamné des chefs des délits d’aide à la circulation et au séjour irréguliers. Il soutient n’avoir apporté qu’une aide alimentaire
Et fourni un abri aux migrants.
 
Pour rappel, l’article L. 622-4 3° du ceseda dispose que l'aide au séjour irrégulier d'un étranger ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 lorsqu'elle est le fait : « 3° de toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ».
 
La cour d’appel a considéré que la démarche du requérant s’inscrivait dans une action militante « dépourvue de toute spontanéité et n’était pas purement individuelle ». Plusieurs éléments sont retenus contre le requérant pour ne pas appliquer l’immunité de juridiction :
- l’absence de connaissance d’une éventuelle situation de détresse des passagers ;
- une démarche militante dans un cadre associatif l’exemptant des dispositions de l’article L. 622-4 3° du ceseda même en l’absence de contrepartie directe ou indirecte ;
- la connaissance de la situation irrégulière des migrants et une action qui visait à les soustraire des contrôles des autorités et à leur éviter l’application des dispositions légales en matière d’immigration.
 
La chambre criminelle censure l’arrêt d’appel. D’une part, l’article L. 622-4 3° du ceseda ne prévoit pas que la situation de détresse des migrants soit un élément à prendre en compte. D’autre part, ces mêmes dispositions ne prévoient pas que le bénéfice de l’immunité humanitaire ne s’applique qu’aux seules actions purement individuelles et personnelles ni que les actions non spontanées militantes exercées dans un cadre associatif en soient exclues. Enfin, la Cour de cassation ajoute une dernière précision en s’appuyant sur les dispositions de l’article 593 du code de procédure pénale. La cour d’appel n’a pas caractérisé le mobile du prévenu et s’est contentée d’affirmer que son action visait à soustraire sciemment des personnes étrangères du contrôle des autorités afin que ne leur soit pas appliquée la législation relative à l’immigration. En déclarant qu’une telle action était exclusive du bénéfice de l’exemption de l’article L. 622-4 3° du ceseda sans davantage de motifs, la cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 593 du code de procédure pénale.
 
Source : Actualités du droit