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Instruction : les pièces annulées doivent être retirées du dossier

Pénal - Procédure pénale
25/06/2020
Dans un arrêt du 17 juin 2020, la Cour de cassation rappelle les conséquences de l’annulation d’actes ou de pièces, par décision de la chambre de l’instruction. Ces derniers doivent être retirés du dossier et il est interdit d’en tirer des renseignements contre les parties. 
Un homme est mis en examen dans le cadre d’une information portant sur des faits d’enlèvement, suivi d’une séquestration pendant plusieurs jours, et extorsion de fonds.
 
Retour sur la procédure :
- la chambre de l’instruction est saisie d’une requête en annulation d’actes de la procédure par l’homme soupçonné ;
- dans un arrêt du 7 février 2017, la chambre prononce la nullité de certains actes constatés ;
- la Cour de cassation censure l’arrêt le 18 octobre 2017 et renvoie la cause et les parties devant la chambre de l’instruction autrement composée ;
- le 19 décembre 2017, la chambre prononce l’annulation de plusieurs actes de l’information et de l’annulation partielle d’une pièce avec annulation d’une partie de son contenu ;
- la Cour de cassation censure sans renvoi l’arrêt le 9 mai 2018 et étend la portée de la cancellation de la pièce à une autre partie de son contenu ;
- une nouvelle requête en annulation est présentée le 18 janvier 2018 par l’intéressé ;
- la chambre de l’instruction déclare cette requête pour partie irrecevable et l’a rejeté ;
- après un pourvoi formé par le demandeur, la Cour de cassation le rejette.
 
Le mis en examen est renvoyé devant la cour d’assises. Mais il décide de saisir la chambre de l’instruction d’une requête en incident d’exécution, « soutenant qu’en dépit des décisions prononcées, les copies de la procédure remises aux parties en vue de l’audience de la cour d’assises comprenaient l’ensemble des actes annulés ou cancellés ». Ces copies reproduisent également un tome de la procédure qui reprenait les pièces annulées et comprenait toutes les requêtes en annulation, les décisions rendues et les pièces s’y rapportant. Selon lui, ces éléments ne peuvent figurer au dossier de la procédure.
 
La cour d’assises décide alors de renvoyer l’examen de l’affaire, relevant que « les copies communiquées aux parties et au président de la cour d’assises comprenaient des pièces annulées et cancellées ».
 
La chambre de l’instruction, par arrêt du 28 juin 2019, déclare la requête en difficulté d’exécution recevable et ordonne le renvoi de l’affaire. Après débats, la chambre de l’instruction statue sur la requête en difficulté d’exécution. Elle la rejette et relève que le dossier original de la procédure est conforme aux décisions précitées, « les pièces dont l’annulation a été ordonnée ayant été retirées en original et en copie du dossier et la pièce, objet d’une annulation partielle, ayant été cancellée dans les conditions prévues par ces arrêts ». Et un tome du dossier d’instruction contient les pièces des procédures en annulation avec les requêtes en annulation, les mémoires, les réquisitoires, les avis et les arrêts rendus, et également les dossiers de pourvoi en cassation dont l’un comprend des copies des pièces annulées.
 
La chambre de l’instruction précise, dans un second temps, que « si les copies délivrées contiennent des pièces annulées ou cancellées, les dispositions qui interdisent d’y faire référence suffisent à garantir que les décisions d’annulation seront respectées lors des débats devant la cour d’assises ».
 
Un pourvoi est formé par l’intéressé qui dénonce le fait que la requête en incident soit rejetée alors :
- qu’elle sollicitait le retrait effectif en original et en copie des requêtes, mémoires, réquisitions, avis, arrêts de la chambre de l’instruction et de la Cour de cassation citant, résumant ou se référant à des pièces annulées ;
- qu’elle sollicitait le retrait et la cancellation effectifs en original et en copie des pièces de la procédure annulées ou cancellées.
 
Dans son arrêt du 17 juin 2020, la Cour de cassation devait donc s’interroger sur le point de savoir si la chambre de l’instruction aurait dû s’assurer que les pièces annulées étaient retirées du dossier et qu’elles ne faisaient l’objet d’aucune référence. Elle décide de censurer en toutes ses dispositions l’arrêt.
 
Dans un premier temps, elle rappelle que :
- l’article 174 du Code de procédure pénale dispose que « les actes ou pièces annulés par la chambre de l’instruction sont retirés du dossier d’information et classés au greffe de la cour d’appel » et ceux partiellement annulés sont cancellés après qu’une copie certifiée conforme à l’originale ait été établie et classée au greffe de la cour d’appel, dans tous les cas « il est interdit de tirer des actes et des pièces ou des parties d’actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats » ;
- l’article 593 du Code de procédure pénale impose une motivation pour tout jugement ou arrêt, l’insuffisance ou la contradiction équivaut à leur absence.
 
Dès lors, la chambre de l’instruction qui énonce que les pièces annulées ont été retirées en original et en copie et que l’original de ce dossier comprend des dossiers de pourvois en cassation où figurent ces copies et pièces annulées, « s’est contredite ». Ensuite, la Haute juridiction estime que la cour d’appel a méconnu l’article 174 du Code de procédure pénale qui exige que tous les exemplaires des pièces annulées soient retirés du dossier d’information. Précisant que « cette obligation ne s’étend pas, toutefois, aux requêtes en annulation, et aux pièces des procédures ainsi qu’aux décisions auxquelles elles donnent lieu, même si celles-ci se réfèrent aux pièces dont l’annulation est demandée et les analysent, pour en apprécier la régularité ». 
 
Dans un second temps, la Cour de cassation rappelle que :
- l’article 710 du Code de procédure pénale prévoit que « les incidents contentieux relatifs à la mauvaise exécution ou à l’exécution incomplète d’un arrêt de la chambre de l’instruction sont portés devant cette juridiction » ;
- et que l’article 279 du même Code dispose qu’il est délivré à chacun des accusés et parties civiles, copies des pièces du dossier de la procédure.
 
Pour autant, les juges constatent qu’il résulte de l’arrêt de la cour d’assises que malgré les décisions prononçant l’annulation de pièces de la procédure, les copies du dossier (numérisées et sur support papier) délivrées aux parties et au président de la cour d’assises « contiennent des pièces annulées, en partie ou en totalité ».
 
Et la chambre de l’instruction, qui énonce que les dispositions qui interdisent d’y faire référence suffisent à garantir les décisions d’annulation, aurait dû « s’assurer que les dispositions précitées des articles 174 et 279 du Code de procédure pénale avaient été observées, et le cas échéant, de prendre les dispositions nécessaires à cette fin ». La cassation est donc encourue.
 
 
Rappelons que la Cour de cassation a, dans deux arrêts, posé les principes selon lesquels :
  • « les actes annulés sont retirés du dossier et il est interdit d'y puiser des renseignements contre les parties au débat. Cette interdiction doit s'étendre à tout procédé ou artifice qui serait de nature à reconstituer la substance des actes annulés » (Cass. crim., 30 juin 1981, n° 81-92.261) ;
  • mais également que « rien ne s'oppose à ce que le juge d'instruction poursuive son information à partir des éléments qui subsistent, dès lors que les nouveaux actes ne se réfèrent en aucune façon à ceux qui ont été annulés » (Cass. crim., 8 déc. 1998, n° 98-85.683).
Source : Actualités du droit